Si on regarde vivre les individus humains aujourd’hui, on peut se demander comment l’humanité passera d’espèce limitée (chaque individu ne s’occupant que de lui-même) à un statut “plus harmonieux” et plus évolué où chacun aura à coeur le bien-être de l’ensemble. On comprend alors pourquoi certains prédisent une apocalypse qui abolira les limitations de l’Homme en abolissant l’Homme lui-même. Mais ils ont tort.
En fait l’Homme n’est pas que petit et limité: il représente aussi une immense promesse. Un fabuleux destin sera sien, mais il semble que l’humanité l’ignore ou n’y croie pas. Bien sûr sa nature “divine” n’est qu’un potentiel présentement. Alors la question est de savoir comment ce potentiel se réalisera. Une action rapide ferait trop de dommages et ne serait pas bénéfique à l’Homme, il faut procéder graduellement. Alors on voit cette immense compassion divine qui libère l’Homme de ses limites peu à peu et le prépare à assumer son destin. Mais comment, précisément, l’Homme voit-il ses limitations disparaître? Et surtout, “MIRACLE INSTANTANÉ” ou “ÉVOLUTION NATURELLE”?
J’ai déjà dit qu’ “il n’y a pas de miracle, il n’y a que du naturel pas encore connu” (Une nature miraculeuse). Alors, il y aura bien une sorte de miracle subit (c.a.d. une chose parfaitement naturelle, mais que nous sommes encore incapables de comprendre), mais qui aura été préparé de longue date (un peu comme un foetus qui croît pendant neuf mois dans le ventre de sa mère, et soudain un jour c’est l’accouchement: en quelques heures le bébé est né et une nouvelle vie commence pour lui, très différente de celle, intra-utérine, qu’il vient de quitter. Dirons-nous qu’accoucher est un miracle ou une chose naturelle?)
Depuis quelques dizaines d’années une étrange effervescence semble s’être emparée de tous les pays du monde. “Pendant longtemps les choses semblent se répéter de génération en génération et soudain arrive une époque, brève et intense, où tout change. Nous sommes à une de ces époques de changement” (Le futur selon les futurologues2). Où ça va nous mener? Qu’est-ce qui va arriver? On ne sait pas: on vit le processus, n’est-ce pas, on est en plein dedans.
Tout a commencé vers la fin des années 1960. Un vent de changement souffle sur le monde. Un peu partout la jeunesse dit non aux valeurs établies, les étudiants se révoltent contre le système d’éducation (mai 68, ça te dit quelque chose?) Puis, dans les années 1970 le féminisme prend l’allure d’un militantisme exacerbé: pour exprimer qu’elle est l’égale de l’homme, la femme insiste pour faire tout ce que l’homme fait (mêmes emplois, vêtements unisexes, etc.)
L’homme, qui est éminemment progressiste (= capable de progrès) est aussi fort attaché aux valeurs du passé, ce qui fait que ses avancées ne sont pas très harmonieuses, mais prennent l’allure d’un combat où, pour gagner plus de liberté ou un plus grand avenir, il doit se battre avec le passé: il doit se mesurer avec ce qui est déjà ÉTABLI pour tenter d’établir une chose nouvelle.
Ça me rappelle la CRISE d’adolescence, où l’adolescent –qui jusqu’à maintenant obéissait à son père- tente plusieurs choses pour voir jusqu’à quel point il peut s’affirmer. Puis vient le moment où il est suffisamment sûr de lui pour se prendre en main et assumer son destin. Ça y est: l’humanité-adolescente est sur le point de devenir une humanité-adulte!
Quelques années plus tard le changement continue: après des siècles de discrimination raciale, c’est l’égalité blancs/noirs; on dirait qu’on a compris une fois pour toutes qu’un Homme est un Homme, et que la couleur de sa peau est une distinction purement superficielle. Entre le rêve d’égalité raciale d’un Martin Luther King et l’élection de Barack Obama il n’y a qu’une quarantaine d’années: toute une victoire là. En Afrique du sud le régime raciste de l’apartheid est même aboli.
Mais ça ne fait que commencer: on dirait que ce vent de changement s’est mis dans la tête de nous libérer/délivrer de nos limitations: après le sexisme et le racisme, c’est le tour des discriminations de toutes sortes; les homosexuels “sortent du placard” (collectivement mais non individuellement) où ils devaient dissimuler leur différence. Pour le moment, c’est encore assez chaotique: pendant si longtemps être homosexuel était mal vu, et maintenant qu’ils ont le droit de s’afficher ouvertement c’est le grand défoulement: ils réclament plus de droits (le droit au mariage homosexuel, à l’adoption, etc.) Ils ont même des associations de gais et lesbiennes, font des festivals de la fierté gaie, etc. Mais ça passera: quelqu’un qui se sait/sent vraiment égal ne ressent pas le besoin d’afficher/affirmer sa différence.
Puis un grand coup en 2008: la crise financière internationale. Officiellement le début se situe auprès des banquiers de Wall Street, avides de profits, toujours plus de profits. Puis, les choses se déroulent très rapidement: en 24 heures la crise se répand dans le monde entier, et fait des millions de sans-emploi (victimes d’une restructuration ou d’une fermeture d’usine) sans parler de tous ceux qui voient leurs économies partir en fumée. (pour l’histoire très intéressante de cette crise, voir KRACH à Radio-Canada)
Maintenant que la femme est l’égale de l’homme, que le blanc et le noir (et ceux des autres races) sont égaux, que l’homosexuel a les mêmes droits que l’hétérosexuel (du moins en Occident), c’est le tour des pays arabes. Ces pays n’ont pas un historique de démocratie mais “d’hommes forts” qui exercent souvent un pouvoir implacable. Tous ces pays ont une forte population de jeunes –jusqu’à 50% dans certains cas; or la jeunesse représente la force de l’avenir.
En commençant par le pays qui donne le plus l’image de modernité, la Tunisie, des centaines de milliers de personnes se sont assemblés pacifiquement, et ensemble ont refusé d’obéir, tandis que le reste du monde regardait, médusé et se réjouissant tout à la fois. Personnellement je me réjouis pour les Tunisiens, mais c’est l’avenir de l’humanité qui m’occupe: “comment le succès tunisien s’inscrit-il dans ce grand ensemble?”
Officiellement cette “révolte” a commencé pour des raisons très simples (les humains pensent toujours savoir ce qui les pousse à agir): denrées alimentaires très chères, taux de chômage élevé chez les jeunes.
Le “modèle tunisien” s’exporte ailleurs; le lendemain de son succès, les Algériens font une timide tentative de liberté, vite réprimée: ils n’avaient pas assez d’assurance (et puis, Boutéflika n’est pas Ben Ali). En Jordanie, petite manifestation de 3,000 personnes; depuis, plus rien. Puis, rapidement l’action se transporte en Égypte où le président Moubarak (qui a DÉJÀ perdu) s’accroche au pouvoir. Décidément, ça brasse dans cette partie du globe!
Croyons-nous que ça va se limiter à la Tunisie et à l’Égypte et que les gens vont rentrer bien sagement chez-eux? C’est mal connaitre les peuples arabes. Maintenant ils savent que rien ne peut s’opposer au grand nombre. Alors on peut s’attendre dans les jours ou les semaines qui suivent à ce qu’un parfum de liberté se répande dans ce coin du monde.
Bien sûr, il y a du saccage et du pillage. C’est inévitable, mais ça ne durera pas (en France la Révolution de 1789 a été suivie d’une période assez trouble, alors…) Qu’est-ce qui se passe dans le monde? Que veut dire cette ébullition? Sur Terre les Hommes semblent jouer leur avenir tandis qu’un super romancier les observe de haut et rit dans sa barbe: “Attendez, le dernier chapitre n’est pas encore écrit”.