La logique est très efficace: elle va en ligne droite du point A au point B parce que c’est le chemin le plus court. Mais la logique (et donc le mental) n’est qu’une des façons d’appréhender le monde, et il y a beaucoup plus que le point de départ et le point d’arrivée. Si je vais de Montréal à Toronto, par exemple, le plus court chemin, c’est de prendre l’autoroute Trans-Canada (la 40). Mais cet itinéraire m’empêche de connaître les villes et villages qui sont situés entre Montréal et Toronto; pour cela un itinéraire intéressant serait d’emprunter la 20, puis la 401.
Par souci d’efficacité le mental ne voit que son objectif, et PAS tout ce qui le précède, ce qui est extrêmement limité: avec le mental, je traverse la vie en ligne droite de la naissance à la mort sans JAMAIS goûter au moment présent (si l’on goûte parfois le moment présent, c’est avec autre chose que le mental, car lui en est bien incapable). Parfois être efficace peut être une bonne chose, mais si ce que l’on veut c’est être heureux et apprécier la vie, alors l’efficacité est complètement inutile, et le mental, qui est très bon pour AUTRE CHOSE, est totalement impuissant: nous avons donc avantage à aller à la prochaine étape de l’évolution, au-delà du mental.
Comment “aller à la prochaine étape de l’évolution, au-delà du mental?” Il y a deux façons: INDIVIDUELLEMENT ou COLLECTIVEMENT (l’espèce entière). Les deux sont valables mais comme c’est l’espèce qui m’intéresse, je ne parlerai pas de la façon individuelle (tous les livres de spiritualité en parlent).
TRÈS BIENTÔT (à l’échelle de la Terre = d’ici quelques dizaines d’années pour nous) les conditions seront plus faciles pour tout le monde, de sorte que tous sans exception auront une vie plus joyeuse et plus enrichissante. Ceux qui font une sadhana seront BEAUCOUP plus nombreux et les résultats seront plus faciles à atteindre.
CE N’EST PAS DE LA SPÉCULATION, C’EST ABSOLUMENT CERTAIN DE SE PRODUIRE DANS UN AVENIR RAPPROCHÉ.
Bien sûr le mental est de bonne volonté et tout à fait disposé à rendre l’Homme heureux, mais il en est bien INCAPABLE. Il ne sait même pas ce qu’il faut faire pour cela (il croit qu’il sait, mais son effort n’a produit qu’un consumérisme exacerbé). Le mental ne connaît qu’une façon de s’améliorer: en ligne droite, du point A au point B (pour détails, voir Caractéristiques du mental): il s’efforce donc de changer ses défauts en qualités (c’est la voie de la morale qui, pour de piètres résultats, aboutit toujours à un appauvrissement de l’être). Si ce cheminement rectiligne donne parfois des résultats intéressants, ce n’est pas naturel cependant. On a donc avantage à suivre l’exemple de la Nature.
La Nature aime prendre son temps. Pas question pour elle d’aller directement du point A au point B: elle ne connaît pas la ligne droite. Dans sa marche en avant, elle tourne à droite, tourne à gauche, explore ceci, cela, veut tout connaître car toute chose est unique et vaut qu’on la connaisse. Le mental est comme une pelouse anglaise: charmante et proprette, pas un brin d’herbe n’est plus haut que l’autre; même la couleur du gazon est d’un vert “raisonnable et efficace”. La Nature, par contre, est semblable à une jungle: d’une opulence et d’une profusion immodérées, tout y est surprenant, on découvre une chose, puis une autre; elle est pleine de surprises, et sait nous émerveiller.
Imiter la Nature, oui, mais comment? Tout d’abord nous sommes des êtres mentaux: pas question de perdre le mental en cours de route; même s’il n’est pas fait pour nous rendre heureux, il est très bon pour autre chose. C’est ici que se situe une découverte susceptible de changer la façon dont nous percevons les êtres et les choses qui nous entourent. J’en ai parlé plusieurs fois déjà; j’appelle ça “changer de regard”, ce qui veut dire “ne plus voir les choses de la façon mentale”.
En fait ne plus “voir les choses de la façon mentale” ne change rien à notre vie (mêmes nourriture, vêtements, maison, amis, etc.) sauf qu’on ne les voit plus de la même façon qu’avant (c’est cent fois mieux: comme si avant on ne voyait qu’une photo de la chose). Comme dit le zen: “Maintenant tout est différent, et pourtant rien n’a changé”. On s’aperçoit, émerveillé, qu’une fois le mental réduit au silence, l’être s’universalise spontanément et il n’est rien qui ne soit source de joie.
100 fois mieux? Comment? C’est difficile à expliquer parce que ce n’est pas mentalisé. Disons que tout ce qu’on voit (les parents, les amis, les choses de la vie quotidienne) est comme une photo –très précis, et en même temps rigide, figé et limité: les choses ne veulent dire qu’une seule chose- et avec la nouvelle vision, c’est vibrant, vivant, à la fois unique et plein de sens.
Ce qui frappe le plus avec cet “autre regard”, c’est la Vie. Il y a de la Vie partout, c’est formidable. D’habitude quand quelqu’un bouge on dit qu’il est vivant; puis, s’il devient incapable de bouger, si le coeur cesse de battre et que le cerveau ne fonctionne plus, on dit: mort! MAIS C’EST COMPLÈTEMENT FAUX (plus précisément ce n’est vrai QUE du corps). On voit TOUT à l’envers. C’est le contraire: d’habitude on est à moitié vivant (comme un pantin en papier mâché), et là c’est VIVANT; tout à coup c’est VIVANT, VIVANT, VIVANT). Et cette Vie partout autour nous remplit: on est gorgé de Vie. On respire, et c’est de la Vie qu’on respire. On ne sait pas encore ce qu’est la Vie. Satprem disait que c’est comme un homme dans le désert qui n’a pas bu depuis des jours; et tout à coup il trouve une source, alors il boit, boit, boit tout son saoûl.
Le plus drôle, c’est les religions: on ne ressent pas cette Vie normalement, alors ils disent: “La Vie éternelle, c’est après la mort”. Il faut mourir pour pouvoir aller au paradis (= vivre, être heureux), disent-ils. Mais non: il faut seulement “changer de regard”. ATTENTION: pour pouvoir changer la façon dont nous regardons le monde, il est évident que nous devons changer soi-même (sinon c’est accepter de CHANGER à la condition de rester le même). Mais on ne devient pas UN AUTRE, on devient “plus soi que soi” dit la spiritualité (qui a sérieusement étudié la question), et le sage nous exhorte: “Deviens ce que tu es”.
Pour extraordinaire que cela puisse paraître, ce n’est rien de nouveau cependant: de tous temps il y a eu des “sages” qui ont réalisé cela. Mais c’était toujours une entreprise individuelle (quelques personnes par génération). Aujourd’hui ce qui se prépare pour l’humanité sera COLLECTIF (l’espèce entière). Sans considération de mérite, et que nous le voulions ou que nous ne le voulions pas, les conditions vont devenir beaucoup plus faciles pour tout le monde, simplement parce que LE TEMPS EST VENU (quand c’est le matin le soleil se lève et éclaire -et réchauffe- tout le monde, que nous le voulions ou non).
Il y a quelque chose de nouveau dans le monde, une sorte de ferment qui n’était pas dans le monde que nous avons étudié, et qui crée cette ébullition que nous voyons partout autour de nous. C’est cela qui nous force à changer (agir/penser/vivre différemment). Comme nous voyons, ainsi nous agissons (par exemple, nous cherchons une cure au cancer PARCE QUE le cancer existe). Une expérience nouvelle, est celle de la SIMULTANÉITÉ des choses.
D’ordinaire il y a alternance: un jour on est heureux, puis le lendemain, sans qu’on sache pourquoi, on est malheureux. Mais en réalité il n’y a aucun va-et-vient de l’état de bonheur à l’état de malheur. C’EST MAL VU (et puisqu’on ne voit pas bien, on est incapable d’agir de la bonne façon). Il y a “simultanéité”: le bonheur ET le malheur sont ensemble, côte-à-côte et en même temps, mais on ne voit pas tout en même temps: tout se passe comme si on avait une loupe ou des verres grossissants, et que l’on ne pouvait regarder qu’une chose à la fois: un jour on voit le bonheur, alors on est heureux; le lendemain on voit le malheur, alors on est malheureux. Alors c’est extrêmement simple. On n’a pas besoin d’améliorer le monde: il est DÉJÀ parfait; il faut s’en apercevoir, c’est tout.
Il faut changer de regard: apprendre à ne plus voir le malheur. Alors il n’y aura plus que le bonheur.
3 commentaires:
Tellement d'accord avec toi!
J'écrivais hier à un ami à propos d'un travail qui demande réflexion et qui n'avance pas assez vite à son gré:
Quand on voyage à pied, on voit les pays. Si on prend l'avion, on arrive plus vite, mais on a rien vu.
Changer de fenêtre, c'est le secret...
Je crois...
Alma
Oui Alma, c'est exactement cela. L'exemple du voyage en avion est tout à fait clair sur l'action du mental. Le mental a du bon, mais pas du tout pour jouir de chaque moment de la vie. La vie EST parfaite, il faut seulement prendre le temps de le remarquer (on ne le remarque jamais). Le bouddhisme tibétain parle du «moment présent» et le zen du «ici et maintenant».
Très bien exprimé encore une fois... :-)
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