JE TE SALUE AMI. Ce projet de loi, on peut être pour ou on peut être contre, ce n’est pas ça qui importe ici; mais ça été l’occasion d’un vaste mouvement social et de grandes manifestations en France, et c’est de ça que j’aimerais parler aujourd’hui (mon point de vue est plus philosophique que social ou politique).
En fait ce sont ces vastes mouvements de foule, plus que la raison invoquée, qui m’intéressent. Au fil des années j’ai toujours constaté que les Hommes croient savoir ce pour quoi ils manifestent ou ce qu’ils revendiquent, mais qu’en réalité c’est une force plus grande qu’eux qui les meut –à leur insu (on croit même protester contre un certain projet de loi qui repousserait l’âge de la retraite).
Il y a autant d’arguments en faveur de ce projet de loi que contre: tous les étudiants en droit savent cela et n’importe quel avocat pourrait le défendre ou l’accabler selon son intérêt du moment. Mais ce “vaste mouvement social” dont je parlais est riche en enseignements et en promesses pour l’avenir, et me fascine à plusieurs points de vue.
Les forces en présence, tout d’abord. En tant que “non Français”, ce qui m’étonne le plus, c’est de voir tous ces lycéens appuyer la force ouvrière (on ne peut voir une telle solidarité qu’en France). Ça m’a rappelé l’affaire des CPE (Contrat Première Embauche) il y a quelques années: là, la contestation avait commencé chez les étudiants puis, assez vite, s’était greffé à eux leurs professeurs et les travailleurs. Vu de l’étranger (en tout cas du Canada) il y a quelque chose en nous qui fait qu’on ne comprend pas ces Français (“Quoi? Encore en grève?”), et en même temps, qui ne peut s’empêcher d’être admiratif.
C’est bien connu que la jeunesse représente l’avenir, et les CRS, la défense du passé. Mais là ce qui étonne (et épate) le plus, c’est cette espèce de bonhommie résignée que l’on sentait de part et d’autre, comme si l’autre était un mal nécessaire et qu’il fallait faire avec. Tout un chemin parcouru depuis une certaine nuit de mai 68 où l’affrontement CRS/étudiants avait fait plus de 1000 blessés.
Bien sûr, il y a la bavure policière et ces inévitables casseurs qui ne sont pas là pour protester mais pour démolir; quand les choses forcent au changement il y a toujours des gens qui disent non; comme force de changement, ces casseurs valent zéro (sauf si on reçoit un pavé sur la tête).
Cette force de changement est active partout sur la terre, mais c’est en France qu’elle est le plus visible. Pendant des années les choses ne semblent avancer qu’à pas de tortue: c’est la vie de tous les jours, chacun vaque à ses occupations quotidiennes, et ça et là des grèves paralysent pour un temps la société française (mais ça, ils ont l’habitude). Puis, entre deux périodes comme cela c’est la crise, brève mais soudaine et intense. Puis, retour à la normale (jusqu’à la prochaine crise).
C’est ainsi que l’humanité progresse: non pas harmonieusement mais par crises. Évidemment si, hypothétiquement, l’humanité ne comptait qu’une seule personne, pas besoin de crises: le progrès serait plus harmonieux. Bien sûr, des millions de personnes, c’est plus difficiles à gérer qu’une seule.
Alors il n’y a qu’une solution. C’est que ces millions de personnes ne soient plus individualistes, mais tout en restant des individus. Est-ce possible, réaliste? On se dirige vers cela. On le voit bien, n’est-ce pas: la Terre n’est plus la vaste planète qu’on a connu il y a à peine quelques dizaines d’années, c’est devenu le “village global” dont parlait Marshall McLuhan. Une tragédie frappe un pays (comme le tremblement de terre en Haïti) et vlan! tous les autres pays accourent à la rescousse (une telle solidarité aurait été impossible il y a à peine 50 ou 100 ans). Que la Terre change à un rythme accéléré ne fait aucun doute, on le voit tous les jours: même le climat n’est plus le même. Ce changement, ce n’est pas pour dans des milliers d’années, n’est-ce pas: c’est à nos portes!
Autrefois des prophètes ont prédit une humanité nouvelle. Mais c’était toujours pour plus tard. Et maintenant ça y est! Nous y sommes. Il n’y a plus de “plus tard”. Que nous soyons en plein changement, personne n’en doute; mais comment se fera la transition de NOUS à NOUS? Évolution naturelle ou brève période de crise?
Est-ce qu’on verra comme en France une grève générale? Ce serait beau à voir…
…LA JOYEUSE GRÈVE DE L’HUMANITÉ
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