On croit généralement que mentir, c’est dire quelque chose de faux; or c’est beaucoup plus complexe que ça, comme nous allons le voir aujourd’hui. On croit même que “Le mensonge est le contraire de la vérité”. Mais on doit admettre qu’on ne sait pas vraiment ce qu’est la vérité. De plus vérité et mensonge varient selon les époques, ce qui fait que ce qui a déjà été vrai est peut-être faux aujourd’hui. Alors, on n’est pas plus avancé.
Tout ça suppose qu’il y a une telle relativité/interdépendance entre vérité et mensonge qu’on ne sait pas vraiment si telle ou telle chose est vraie ou fausse (parfois c’est vrai et parfois non). Il en découle qu’il est IMPOSSIBLE de porter un jugement sur qui que ce soit puisque ce qui est vrai pour moi n’est pas nécessairement vrai pour lui (en d’autres mots, ce qui est faux pour soi est peut-être vrai pour quelqu’un d’autre).
Il faut savoir qu’il y a deux sortes de mensonges: le “vrai” mensonge (c.a.d. le mensonge philosophique) et celui que j’appelle le mensonge “social”. Aujourd’hui je ne parlerai que du mensonge social. Le but du mensonge social est double: pour mettre l’autre en valeur, ou pour se mettre en valeur; autrement dit ou bien je veux faire plaisir à l’autre ou bien je veux lui plaire (ou ne pas lui déplaire), tous deux faisant partie des interactions sociales normales. Le dicton qui dit que “Toute vérité n’est pas bonne à dire” fait allusion au mensonge social.
Bien que le mensonge ne soit pas bien vu, on peut dire que tout le monde ment, tous les jours, et ce depuis un très jeune âge; c’est donc une chose NORMALE, et personne ne pourrait vivre sans mentir. En fait si hypothétiquement le monde était complètement vrai, sans aucune trace de mensonge nulle part, ce serait un monde très insupportable. Alors, inutile de se confesser au prêtre, “Mon père, je m’accuse d’avoir menti”: TOUT LE MONDE MENT, ce qui ne serait pas normal, c’est de ne jamais mentir.
Le mensonge a beaucoup été étudié. Des générations de philosophes et de psychologues se sont penché sur lui et peuvent vous dire son origine et ses manifestations. Mais on fait rarement la distinction entre mensonge “social” et “vrai” mensonge, ce qui est à l’origine de graves malentendus.
Il ne serait pas possible de vivre en société en ne disant strictement que la vérité. Par exemple, si ma femme porte une nouvelle robe et me demande ce que j’en pense, j’ai intérêt à ne pas lui répondre “Ah ça ne va pas du tout, chérie: ça te grossit!”. C’est peut-être vrai, mais ce n’est pas ce qu’elle désire entendre et je risque de dormir sur le canapé ce soir. Par contre si je lui dis “elle est superbe, chérie, tu es ravissante”, ça lui fera plaisir et du coup elle sera mieux disposée à mon égard; ce n’est pas la vérité qu’elle désire entendre, c’est quelque chose qui lui fera plaisir. Ça ne fait pas de moi un menteur, simplement quelqu’un de “diplomate”.
Si j’analyse la situation, je me rends compte que je n’ai pas dit la vérité parce que je ne voulais pas qu’elle se sente mal ou qu’elle se sente blessée. C’est donc POUR ELLE que j’ai dit ce mensonge, et on peut dire que, dans ce cas, mon mensonge est une preuve d’amour (plaisanterie douteuse).
Mais le mensonge n’est pas toujours aussi désintéressé. Par exemple, si mon patron me demande pourquoi je ne travaille pas, je ne vais pas lui répondre “Parce que ça ne me tente pas”. Il risquerait de me f… à la porte. Au lieu de cela, je bafouille une excuse quelconque, et tout rentre dans l’ordre. Ou encore, un policier m’arrête parce que n’ai pas fait un stop obligatoire: “Oh, il y avait un stop? Ah, j’vous jure que je ne l’avais pas vu”. Ça ne m’évitera pas d’avoir une contravention, mais au moins en justifiant ce petit délit, j’ai l’impression de ne pas perdre la face.
Ces quelques exemples montrent bien que notre vie est truffée de mensonges, somme toute assez innocents et sans réelles conséquences autres que de rendre ma vie plus facile. Je les appelle les “mensonges sociaux” car ils permettent une vie en société relativement harmonieuse: ils visent à maintenir (ou à rétablir) l’équilibre d’une situation de la vie.
Si j’agis ainsi, c’est parce qu’IL Y DES AVANTAGES CERTAINS À DIRE DES MENSONGES (sinon je serais bien stupide de mentir, non?) En fait, mentir est si important que tout le monde apprend à le faire dès le plus jeune âge. Il est donc intéressant de chercher à savoir POURQUOI je mens, car je fais alors des découvertes très intéressantes sur moi et les autres: je m’aperçois que c’est parce que j’ai besoin de l’approbation (ou l’estime) des autres –et plus ces “autres” sont proches, plus il est important pour moi d’avoir leur estime.
Nous apprenons très tôt que nous avons avantage à mentir et cette habitude perdure toute la vie. Dans le prochain billet (La genèse du mensonge social) nous verrons comment et pourquoi cela se développe.
1 commentaire:
" Ça ne fait pas de moi un menteur, simplement quelqu’un de “diplomate”.
C’est donc POUR ELLE que j’ai dit ce mensonge, et on peut dire que, dans ce cas, mon mensonge est une preuve d’amour " !!!
Je ne sais pas comment réagir à cela sans être un peu agressif !
Soit l'auteur ne se relit pas ... soit il pense vraiment cela.
Et je dirais alors que sa conception de l'amour (et de la sincérité), grande chance à lui, a encore beaucoup d'espace pour s'épanouir ...
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